Chère Mija,
Définir les urgences en fonction de seuils de MAM ou MAS a été proposé il y a longtemps. L’idée était d’aider à décider quand le nombre d’enfants souffrant de MAS et nécessitant un traitement hospitalier était suffisamment important pour ouvrir des centres d’alimentation thérapeutique. Cela figurait dans le document de l'OMS 2000 sur l'urgence nutritionnelle, dans lequel il était indiqué que le centre devrait être ouvert lorsque la prévalence du ratio Poids/Taille était <-2 était supérieure à 10%, avec des variations selon la présence ou l'absence de facteurs aggravants (1). Notez que ces seuils qui servent à décider de la nécessité d'utiliser des centres d'alimentation thérapeuthiques étaient basés sur des niveaux d'émaciation modérés, et non sur la prévalence de la MAS. Je suppose que la raison en est que les enquêtes nutritionnelles standard ne sont pas appropriées pour donner une estimation précise de la prévalence de la MAS pour les raisons expliquées par Brad Woodruff dans un autre article que nous avons reçu ce matin.
Personnellement, je ne suis pas en faveur d'un seuil d'urgence de MAS.
Premièrement, comme indiqué ci-dessus, les enquêtes de prévalence ne sont pas très fiables pour estimer le nombre d'enfants souuffrant de MAS à traiter, encore une fois, parce qu'elles ne permettent pas d'estimer avec précision la prévalence de la MAS, et deuxièmement, parce que le nombre d'enfants à traiter est lié à l'incidence, et non la prévalence, et la conversion de la prévalence en incidence est assez problématique, comme le montrent quelques articles récemment publiés (2) (3) (4) (5) (6). Il y a encore du travail en cours, avec un nombre beaucoup plus important d'enquêtes et qui sera publié sous peu, soulignant encore plus les problèmes de cette conversion.
Deuxièmement, et à un niveau plus fondamental, je ne suis pas sûr que cette idée de seuil, remontant à l’époque des centre d'alimentation thérapeuthique, soit vraiment pertinente maintenant que la PCMA est la pratique standard. L'ouverture d'un tel centre mobilisait énormément de ressources et c'était une décision qui ne devait être prise que quand on était sûrs que ces centres pouvaient être utilisés à pleine capacité. Les programmes de PCMA peuvent être lancés avec un investissement initial faible et il n’y a aucune raison d’attendre un seuil d’urgence pour traiter les cas de MAS. Tout cela a été discuté dans un très bon article publié il y a quelques années dans Field Exchange par Peter Hailey et Daniel Tewoldeberha (7). Je suggère que vous jetiez un coup d'œil à cet article qui remettait en question l'utilisation traditionnelle des seuils et plaidait en faveur d'une nouvelle approche beaucoup plus élégamment que je ne peux le faire dans un court post ici.
Une dernière remarque. Parmi les spécialistes de l'obésité, il est bien connu que les mêmes seuils d'IMC ne devraient pas être utilisés dans des populations différentes pour définir l'obésité en raison de différences de structure et de forme du corps (8). Le même débat n'est pas vraiment ouvert dans le domaine de la malnutrition, mais je soupçonne que le même raisonnement remet en question l'utilisation du ratio Poids/Taille pour définir la malnutrition aiguë. Cela remettrait encore plus en question l'utilisation des seuils Poids/Taille pour définir les urgences nutritionnelles.
1. Organisation mondiale de la santé. The management of nutrition in major emergencies [Internet]. 2000. Available from: http://www.who.int/nutrition/publications/emergencies/9241545208/en/
2. Isanaka S, Grais RF, Briend A, Checchi F. Estimates of the duration of untreated acute malnutrition in children from Niger. Am J Epidemiol. 2011;173:932–40.
3. Deconinck H, Pesonen A, Hallarou M, Gérard J-C, Briend A, Donnen P, Macq J. Challenges of Estimating the Annual Caseload of Severe Acute Malnutrition: The Case of Niger. PloS One. 2016;11:e0162534.
4. Isanaka S, Boundy EO, Grais RF, Myatt M, Briend A. Improving Estimates of Numbers of Children With Severe Acute Malnutrition Using Cohort and Survey Data. Am J Epidemiol. 2016;184:861–9.
5. Bulti A, Briend A, Dale NM, De Wagt A, Chiwile F, Chitekwe S, Isokpunwu C, Myatt M. Improving estimates of the burden of severe acute malnutrition and predictions of caseload for programs treating severe acute malnutrition: experiences from Nigeria. Arch Public Health Arch Belg Sante Publique. 2017;75:66.
6. Dale NM, Myatt M, Prudhon C, Briend A. Using cross-sectional surveys to estimate the number of severely malnourished children needing to be enrolled in specific treatment programmes. Public Health Nutr. 2017;20:1362–6.
7. Hailey P, Tewoldeberha D. Suggested New Design Framework for CMAM Programming. :4. Available at: https://www.ennonline.net//fex/39/suggested
8. Hruschka DJ, Hadley C. How much do universal anthropometric standards bias the global monitoring of obesity and undernutrition? Obes Rev Off J Int Assoc Study Obes. 2016;17:1030–9.